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  •   Q108 Le libéralisme économique est-il compatible avec l'écologie ?

    Lundi 15 octobre 2018 - 20 h 45

    Centre culturel des Mourlingues à Balma

    Invité : Gaël Plumecocq

    Chargé de Recherche en économie à l’INRA de Toulouse. UMR 1248 Agir, équipe Odycée

    Entrée libre

    Les explications données par Nicolas Hulot, lors de sa démission de son poste de ministre, ont été comprises par tous comme un constat d’échec, non pas personnel, mais imputable à toute l’équipe gouvernementale. En effet, l’ambition affichée par le Président était d’être aussi efficace que la droite sur le plan économique, que la gauche sur le social et qu’Europe-Écologie-les-Verts sur le plan environnemental. Un "en même temps "qui lui a permis de rallier le soutien des écologistes qui pensaient que l’écologie n’était ni de droite, ni de gauche comme Corinne Lepage, François de Rugy, Barbara Pompili et surtout l’emblématique Nicolas Hulot. Les velléités sociales se sont vite envolées, mais la possibilité d’un "capitalisme vert" ou d’une "écologie de marché", malgré des déceptions sur les premiers arbitrages n’était pas jusqu’à cette fin aout complétement écartée.

    La logique du libéralisme économique est de favoriser la croissance des entreprises en encourageant la financiarisation du monde, en espérant que la concurrence et quelques régulations sociales répartiront de manière acceptable les richesses produites. Faire grossir le gâteau, disent les économistes libéraux, plutôt que d’être obsédé par le partage. Mais au-delà de la question du partage se pose la question de la régulation des activités productives. Les entreprises, dans le système actuel, ont pour fonction de faire du profit, qu’elles répartissent entre actionnaires, dirigeants, travailleurs et réinvestissements. Les externalités environnementales et climatiques ne sont que très peu prises en compte car elles feraient baisser la compétitivité. Le modèle de croissance est basé sur une vision obsolète d’une nature "infinie" que l’on peut consommer pour faire du profit. Dans ce modèle la rareté participe à la régulation des prix, mais elle n’est que relative, si une ressource est épuisée, on la remplacera par une autre. En pratique, malgré quelques tentatives de faire payer les dégâts environnementaux, la note de frais est laissée, parfois aux assurances, le plus souvent aux États, comme cela sera le cas pour la gestion des migrations liées au changement climatique. La concurrence mondiale rends l’intégration des externalités environnementales dans le coût des produits extrêmement difficile. Comment faire évoluer un système d’échange mondialisé, quand le président de la première puissance économique fait l’apologie des gaz de schistes et du charbon ? La régulation environnementale se fait au niveau des États et n’existe quasiment pas au niveau mondial. Les accords internationaux ne traduisent que la bonne volonté de quelques dirigeants, mais n’ont pas pour l’instant la capacité de contraindre l’économie à respecter les souhaits affichés.

    Le professeur de développement durable Claude Henry a proposé dans le Monde du 5 septembre trois axes de régulation de l’économie :

    - réorienter la pression fiscale sur les activités et produits qui contribuent significativement à la dégradation du capital naturel, de manière à changer les modes de production et les comportements de consommation

    - prononcer et organiser la faillite des entreprises qui contribuent le plus à la dégradation du capital naturel et qui font le plus obstacle à la transition écologique et économique, de manière à en faire des instruments de celle-ci

    - substituer un modèle d’agriculture fondé sur la biologie au modèle fondé sur la chimie

    On voit bien que Nicolas Hulot, malgré tout son charisme et sa notoriété, ne pouvait pas au sein du gouvernement imposer un choix réellement écologique aux entreprises françaises et encore moins aux multinationales mondialisées.

    C’est peut-être possible de réguler le libéralisme économique, mais ceux qui profitent du système actuel ne semblent pas décider à se laisser faire. La régulation est un combat difficile qui demande de changer profondément les règles de fonctionnement de notre économie. On ne peut en même temps encourager les profits des actionnaires en espérant améliorer le social par un effet de ruissellement et croire que l’intérêt général de long terme sera défendu. Les plus riches seront les derniers à souffrir des dégâts environnementaux et du changement climatique. Défendre la justice sociale, c’est améliorer le sort de tous, mais aussi préserver la qualité des biens communs. La propriété privée, le marché et la concurrence ont pris une place bien trop importante, il faut réintroduire dans notre société des outils pour reprendre la main sur l’avenir de l’humanité. Les prises de décisions qui remettent en cause réellement nos logiques économiques viendront peut-être du côté des grandes métropoles, en effet si elles ne font rien pour gérer la sécurité, améliorer la mobilité, résoudre les problèmes de pollution atmosphérique et s’adapter rapidement au changement climatique, elles vont devenir quasi invivables.

    Nous vous invitons à venir nombreux participer à cette réflexion sur ce que pourrait être les bases d’une économie écologique.

    Le Centre Culturel / centre de loisirs des Mourlingues à Balma http://www.openstreetmap.org/ ?mlat=43.60259921649&mlon=1.5057363693115&zoom=15#map=15/43.6025/1.5056

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