Le Café Politique

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  • Rubrique
  •   J77 Alimentation : un choix de société

    Lundi 3 décembre 20h45

    Salle de réception du stade de Balma

    Invités :

    Patricia Bruzac, diététicienne

    Juliette Helson, Slow Food

    Sylvie Schetrite, Amap

    Michel Metz, Attac / Semences Paysannes

    François-Xavier Barandiaran, Secours Populaire

    "Agriculture mondiale : Comment mettre fin à la faim" thème du Café Politique du 9 juin 2008 avait donné lieu à un débat passionnant. Malgré de nets progrès en Asie et en Amérique Latine une personne sur 8 dans le monde est sous alimentée et une sur 3 se nourrit de manière très déséquilibrée. Mais l’alimentation ne peut se résumer à la problématique de la pénurie. En France l’alimentation ne représente qu’environ 20% du budget des ménages et à part pour les deux millions qui sont en grande précarité et quasiment exclus du système économique, il est facile de trouver de quoi se nourrir. La France grand pays agricole importe de la nourriture pour nourrir le bétail et pour satisfaire des consommations plus ou moins exotiques, mais notre richesse relative semble nous mettre à l’abri pour de longues années de l’insécurité alimentaire. Cependant il n’est pas facile de bien manger : mal bouffe, OGM, perturbateurs endocriniens, manque d’oligo-éléments pour certains, excès de sel, de sucre, de gras et de viande pour d’autres, reviennent régulièrement dans l’actualité.

    Manger "bon" est de plus en plus un privilège de riches, l’industrialisation de la nourriture et la standardisation des productions agricoles ne favorisent pas toujours la qualité gustative. La question de l’éducation au goût, traditionnellement transmise dans les familles, commence à se poser pour contrebalancer les effets du manque de temps consacré à se nourrir.

    Manger sain est une préoccupation très ancienne. D’énormes progrès ont été réalisés sur la question des bactéries, virus et mycotoxines qui sont de mieux en mieux surveillés par les services vétérinaires. La quasi disparition des intoxications alimentaires n’a pas, pour autant, réglé le problème ; l’obésité, le diabète et les allergies alimentaires sont en forte augmentation. L’usage de nombreux produits chimiques dans la chaîne alimentaire pose des questions nouvelles comme celle des cancérogènes ou des perturbateurs endocriniens qui ne sont pas du tout résolues. Une alimentation équilibrée dépend évidemment des pratiques individuelles, mais celles-ci s’inscrivent dans un système économique et social complexe. Des multinationales sont prêtes à investir des milliards pour contrôler toutes les étapes qui vont de la possession de la terre agricole à l’assiette, avec pour seul objectif affiché : faire du profit. Face à cette puissance financière, qui essaye d’imposer sa logique, les États sont trop souvent décidés à n’assurer que le service minimum pour garantir la santé des citoyens. Par exemple, la récente étude de Gilles-Eric Séralini a remis la question sanitaire au cœur du débat des OGM, les réactions multiples à son article ont surtout démontré la faiblesse du contrôle public dans ce domaine et la puissance des lobbies du secteur agricole.

    Manger durable outre les deux aspects précédents exige de prendre en compte les effets indirects de l’alimentation sur l’environnement et le climat. Cela nécessite de réfléchir à l’organisation sociale qui permet de produire et de distribuer équitablement l’alimentation sans compromettre l’avenir écologique de la planète. Si chacun a des marges de manœuvre sur sa manière de se nourrir et peut par son action locale participer à l’évolution du système, le poids de l’organisation politique de la société est primordial. En France le Grenelle de l’environnement avait mis en avant des orientations précises sur l’usage des pesticides, la promotion de l’agriculture biologique et sur l’organisation de circuits courts. Plus récemment le GIEC a pointé l’importance de l’agriculture sur l’émission de gaz à effet de serre et l’impact de la surconsommation de viande. Force est de constater que faute de volonté politique ces dossiers n’ont pas vraiment avancé. Perte de terres agricoles notamment dans les vallées, mainmise des industriels sur les semences, contrôle de la chaîne alimentaire par les géants de l’agro-alimentaire, etc., nous sommes actuellement bien loin de l’utopie du développement durable et de la démarche des agendas 21.

    De nombreuses associations citoyennes essayent de contrecarrer, tant au niveau local que global, cette tendance à transformer l’alimentation en business industriel. Défense de la qualité, du terroir, de la santé, de la culture contre la logique ultralibérale qui ne voit dans l’acte de se nourrir qu’un moyen de faire de l’argent. L’alimentation dépend de choix qui sont de l’ordre de la vie privée en lien avec des traditions anthropologiques, mais par ses dimensions politiques locales, nationales et mondiales, c’est bien un enjeu de société. Nous vous invitons à en débattre avec des personnes engagées soit à titre professionnel soit à titre associatif dans cette complexe problématique.

    François Saint Pierre

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    Le débat