Le Café Politique

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  •   T122 La France est-elle encore un grand pays scientifique ?

    En visio le lundi 17 mai à 20h30

    Invités :

    Malik Ghallab, directeur de recherche émérite CNRS.

    Ex directeur du Laboratoire d’Analyse et d’Architecture des Systèmes (LAAS-CNRS)

    Michel Grossetti, directeur de recherche CNRS.

    Ex directeur du LabEx « Structurations des Mondes Sociaux »

    Alors que nous pensions notre industrie pharmaceutique à la pointe de la compétition mondiale, la France ne produit pas, pour l’instant, un vaccin utilisable en Europe. Peut-être que cela n’est dû qu’à de la malchance ? En effet, si la production des vaccins s’appuie sur la recherche fondamentale, elle est aussi fortement déterminée par des choix opérationnels. Pour autant le manque de culture scientifique de nos élites politiques et administratives semble bien mis en cause, quand on a laissé, en raison d’une mauvaise évaluation, la "biotech" Valneva, basée à Nantes, négocier le soutien de l’État anglais. Même si la France reste compétitive dans certains domaines de pointe, qui peuvent s’appuyer sur une recherche fondamentale et appliquée de haut niveau, on peut noter la faiblesse de la recherche privée, les entreprises françaises ayant tendance à s’appuyer un peu trop sur la recherche publique. De son côté l’État, avec une volonté de faire des économies, réduit les moyens des laboratoires et le recrutement des chercheurs, mais aussi des ingénieurs d’études et des techniciens qui sont indispensables au bon fonctionnement de la recherche.

    Depuis quelques années, nous avons essayé de favoriser la recherche appliquée, au détriment de la recherche fondamentale privilégiant la recherche sur projet. Cette stratégie, inspirée du management des entreprises privées et des pays anglo-saxons, ne s’est pas avérée très efficace. En effet, si l’on regarde les indicateurs de la recherche, publiés dans le dernier rapport de l’Observatoire des sciences et des techniques, https://www.hceres.fr/sites/default... , la France régresse. Au-delà de la faiblesse relative des 2,2% du PIB, alloués chaque année à la recherche publique et privée, pourcentage en deçà de la moyenne des pays de l’OCDE, deux problèmes sont souvent évoqués :

    - Du fait des tâches administratives qui sont imposées aux chercheurs et de l’énergie passée à chercher des financements, le temps consacré aux activités de recherche par les scientifiques ne cesse de baisser.

    - Dans certains domaines la recherche pâtit du manque d’attractivité des carrières sur le plan des rémunérations et des perspectives d’évolution. Le salaire en début de carrière en France est égal à 63% de la moyenne des pays de l’OCDE.

    Pourtant, de l’avis de tous les économistes, la recherche est l’investissement le plus rentable dans nos sociétés. En effet, la recherche n’a pas pour seul bénéfice d’augmenter les capacités de production et le bénéfice des investisseurs, elle s’occupe des biens communs comme le climat ou la biodiversité et plus fondamentalement la recherche permet d’augmenter la qualité de vie et la santé de tous.

    Pour ne pas brider l’intuition nécessaire à toute activité de recherche, il est nécessaire d’accepter l’autonomie des chercheurs et l’évaluation par les pairs, qui sont des processus inhérents à la production de connaissances scientifiques. Cette liberté individuelle et collective, très appréciée des chercheurs, même si elle est très encadrée par la nécessité de trouver des financements, semble de plus en plus gêner le pouvoir. L’étrange et inquiétante dénonciation de l’islamo-gauchisme dans les universités en est un exemple récent. La mise en avant de la rentabilité économique à court terme de la recherche introduit un biais d’évaluation tout aussi inquiétant.

    Notre système éducatif, notamment dans sa composante universitaire, est en difficulté. Les élites économiques, administratives et politiques, qui sont essentiellement sélectionnées sur une culture du management ne comprennent pas les enjeux scientifiques et sont parfois assez méprisantes avec les chercheurs qu’ils jugent peu rentables à court terme. Plus inquiétant pour l’avenir, l’engouement de la jeunesse pour la recherche semble s’évaporer au profit de carrières bien plus attractives. Dans ces conditions, ne sommes-nous pas en train d’entériner le déclin scientifique de la France et à terme son déclassement économique et politique ?

    Si beaucoup regrettent l’époque où les universités, le CNRS et les grands instituts de recherche recrutaient sur des emplois stables de nombreux jeunes chercheurs, et où les laboratoires avaient des moyens financiers et humains pour mener leurs études et leurs expériences, d’autres proposent de remettre de l’esprit de compétition en privatisant au maximum la formation des élites.

    Ce soir au café politique, avec l’aide de Malik Ghallab et de Michel Grossetti, nous essaierons d’abord de faire un état des lieux objectif. Nous réfléchirons ensuite aux diverses pistes possibles, tant au niveau local que national ou européen, pour retrouver une recherche dynamique, qui puisse nous aider à affronter les nombreux enjeux sociaux, économiques et environnementaux.

    Pour obtenir les codes de connexion écrire à lecafepolitique@free.fr

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