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  Les masques : syndrome d’un état défaillant

samedi 2 mai 2020, par Gérard Verfaillie

Ce petit texte est issu d’une colère montant chaque jour à l’écoute des messages gouvernementaux « Alerte coronavirus » qui expliquent invariablement que l’épidémie se propage via des micro-postillons, qui conseille de maintenir les distances et de tousser dans son coude, mais qui ne parle jamais de masques qui sont pourtant la première barrière à l’émission de postillons.

Dans un interview à Libération, Julien Dray (qui ne fait pas partie de mes amis) dit, selon moi fort justement, que la situation actuelle est « le juin 1940 sanitaire d’un Etat qui se croyait fort », d’un Etat « rongé par les procédures bureaucratiques et par le néolibéralisme ». Voir https://www.liberation.fr/france/20...

Pour ceux qui aiment l’histoire, c’est d’ailleurs éclairant de lire ou de relire le livre « L’étrange défaite » écrit durant l’été 1940 par Marc Bloch qui sera ensuite arrêté, torturé et fusillé par la Gestapo en 1944. Dans ce livre, il explique la défaite de mai-juin 1940 par la faillite intellectuelle, morale et administrative du haut commandement militaire, gangréné par les procédures bureaucratiques, les rivalités entre services et l’esprit de caste et figé dans le dogme d’une guerre défensive qui serait forcément une répétition de la précédente.

Sur les masques, on sait maintenant presque tout : le stock stratégique de l’Etat qui devait officiellement être maintenu, mais qui ne l’a en fait pas été sous les quinquennats de Hollande et Macron ; le budget de l’Etablissement de Préparation et de Réponse aux Urgences Sanitaires (EPRUS) en charge de la constitution et du maintien des stocks stratégiques passant de 281 millions d’euros en 2007 à 26 millions en 2015 ; les dernières usines de production françaises qu’on a laissé fermer jusqu’en 2018 dans l’indifférence générale avec envoi des machines à la casse ; les mensonges sur l’inutilité, voire la dangerosité, des masques ; les annonces quotidiennes sur le pont aérien en provenance de Chine, sur les commandes passées, sur les livraisons réalisées avec des chiffres en milliers, en millions, voire en milliards suivant le jour et la crédulité supposée du public ; l’absence d’information claire sur le type de masque à porter par le grand public et les bonnes pratiques d’utilisation ; tout ça pour en arriver aujourd’hui à une vente de masques dans les commerces et grandes surfaces.

Je pensais naïvement que, si cela était indispensable, le rôle de l’Etat était d’en fournir gratuitement à chacun et d’expliquer comment s’en servir au mieux. Mais non, c’est « Chacun se débrouille » : illustration de la doctrine libérale sur la responsabilité individuelle de chacun, doctrine que l’on retrouve aujourd’hui au sujet de l’école où l’on demande aux parents de décider si oui ou non ils enverront leurs enfants à l’école : si je dois travailler, j’ai peut-être la solution des grands-parents, mais ce sont eux qu’on est censé protéger ; si je n’ai pas cette solution, je les envoie en culpabilisant de leur faire peut-être courir un risque ; mais, si l’école est sûre et si les enfants ont le plus grand besoin de retrouver l’école, pourquoi laisser le choix aux parents ?

Au-delà de l’épidémie actuelle, depuis que j’ai vu à 15-16 ans le film effrayant « La bombe » de Peter Watkins qui décrit l’impact d’une supposée attaque nucléaire soviétique sur l’Angleterre, je fais parfois des rêves sur les conséquences d’un accident ou d’une attaque nucléaire survenant en France. En fait, après avoir vu la panique provoquée à Toulouse par l’explosion de l’AZF, j’ose à peine imaginer la catastrophe, la désorganisation et la panique qui seraient créées par une attaque ou un accident nucléaire. Et je me dis « Est-ce que l’Etat s’est préparé et a préparé la population à une telle éventualité ? », « Où sont les exercices d’alerte impliquant la population ? », « Chacun connaît-il les gestes essentiels ? » « Chacun a-t-il ses comprimés d’iode et sait-il comment les utiliser correctement ? » … On me dira que, si on ne fait pas ces exercices, c’est pour ne pas affoler la population. Mais c’est là considérer les personnes comme des enfants trop fragiles pour leur montrer la réalité. Au Japon les enfants sont dès leur plus jeune âge entraînés aux gestes à suivre en cas de tremblement de terre. On me dira fort justement que c’est parce tout le monde au Japon a déjà connu des tremblements de terre, alors qu’en France on continue à penser que Tchernobyl et Fukushima, c’est pour les autres.

Au niveau de l’Etat, face à des événements tels que tremblements de terre, tsunamis, épidémies, accidents industriels, attentats, guerres … qui ont tous la particularité d’être possibles, de probabilité faible mais non nulle et de coût social, économique et humain très élevé, une bonne pratique consisterait à s’y préparer avec le plus grand sérieux et à y préparer l’ensemble de la population en considérant toutes les personnes comme des citoyens adultes et doués d’intelligence. On peut rêver …

PS : Pour info, si vous allez sur le site officiel http://www.distribution-iode.com/, vous verrez que le numéro vert « Iode » est suspendu pour cause de coronavirus, ce qui revient à faire l’hypothèse que deux catastrophes ne peuvent pas être simultanées !!!