Le Café Politique

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  Une démocratie soucieuse du commun

dimanche 13 juillet 2014, par Equipe d’animation d’Horizons De Civilisation Toulouse

Complément des ateliers des travaux d’HDC Toulouse du 31 mai 2014

Il s’agissait d’articuler entre eux les deux thèmes d’une authentique démocratie et du commun. Nous les estimons en effet indissociables :

1) Le commun, a t-il été déclaré, est d’abord ce qui est à considérer comme devant être construit et géré ensemble. Le commun est ce qu’on institue comme commun, au sein d’un agir collectif

Pierre Dardot, auteur de cette vision déclare : « il importe de le penser en rapport avec le mouvement même de son institution … il n’est de praxis instituante émancipatrice ( =démocratie véritable) que celle qui fait du commun la nouvelle signification imaginaire sociale ».

Bien d’autres réalités historiques concernant la démocratie ont évidemment existé, moins reluisantes, mais nous avons cherché, tout au long de ce cycle de réflexion et dans les ateliers, à la délier de tout ce qui pourrait l’éloigner du commun : en cherchant à la penser dans un contexte de non-croissance, nous conduisant à réfléchir ensemble à d’autres manières de vivre (Caillé) ; en voyant comment ont pu bouger les lignes qui renvoyaient certaines questions au domaine privé ou certains acteurs aux oubliettes de l’histoire (Rancière) ; en la voyant se développer dans diverses luttes et expérimentations (Halimi et Ortiz)

2) La démocratie n’existe que si elle donne les moyens à un peuple de puiser dans sa culture, ses traditions et valeurs, son histoire ; si elle confère de quoi alimenter un débat conflictuel, mais productif sur son inscription dans l’histoire. Ce commun de référence ne va pas de soi, est lui aussi à construire collectivement, mais il peut seul nourrir la démocratie. C’est le deuxième lien à établir, au-delà de tout régime politique et de toute procédure.

A propos de l’identification des besoins de base et des droits (vie ; dignité) « opposables à l’existence » : on peut dénoncer un droit bafoué plus facilement que la négation d’un besoin social (atelier N°1), mais se pose aussi la question de qui définit les besoins : identifier à leur place les besoins des autres, des plus démunis en particulier, a toujours constitué une tentation permanente. Prenons l’exemple de la formation permanente (et de l’éducation populaire) qui permettrait même d’aller plus loin dans l’analyse : travailler en commun les pratiques collectives, professionnelles ou non, semble bien plus efficace et respectueux des réalités vécues pour construire une démarche de formation que la traditionnelle demande « exprimer vos besoins ! » Pierre Dardot en appelle en tout cas au recul en commun sur les pratiques pour une institution de règles de droit.

- à propos de la valeur ; de l’usage, en opposition absolue à la propriété : à l’opposé de la marchandisation qui étend à tout sa logique , on a insisté sur la « production de richesses naturelles sans se détruire », « récupératrice de valeur » à sa manière ; de démocratie étrangère aux logiques de prix ; de la rupture qu’introduit la logique d’usage : elle s’oppose absolument à celle de la propriété ; mais en fait elle est autre s’il ne s’agit pas avec elle de défense du consommateur (« l’usager »), mais de l’affirmation d’une possibilité réelle de construction en commun des règles s’appliquant à ce que nous rencontrons dans notre co-activité (cf Dardot)

La maintenance , ne serait-ce que matérielle , d’un équipement, ne nécessite t-elle pas, sinon des propriétaires, tout au moins la tenue d’autres fonctions ?

Un participant cite l’exemple du Larzac où il n’est question que de l’usage par les paysans des terres, d’un commun de l’usage qui n’empêche pas qu’à la retraite, une rétribution est prévue.

Un participant fait remarquer que, le capitalisme et néo-libéralisme s’épuisant quelque part, l’efficacité économique elle- même peut conduire à une remise dans le commun de certains biens, de terres non-constructibles par exemple (cf sur ce point la conférence de Dardot : la théorie économique d’Olstrom)

A propos de la citoyenneté, deux approches sont produites :

- l’une qui consiste à réfléchir à son enrichissement : elle ne s’arrête pas aux portes de l’école ou de l’entreprise ; elle comportera une pluralité d’ancrages, et la priorité de son lien avec l’Etat-nation est à remettre en question. Pourquoi, au niveau européen éliminer l’hypothèse fédérative ; pourquoi un Etat multinational, multi-langues, etc, ne pourrait être envisagé ?

- l’autre affirme fortement que la citoyenneté est entière ou n’est pas : il n’y a pas de citoyen « de deuxième zone » : le combat pour une citoyenneté de résidence, avec déjà, pas seulement, le droit de vote des étrangers, va dans ce sens (voir aussi les droits économiques et sociaux ; l’équivalence des diplômes, etc)

- enfin, on peut regrouper certaines remarques faites à propos du commun lui-même : ce principe politique que Dardot veut totalement transversal à toutes les sphères de l’économique, du social, du culturel et du politique – sinon il y a « parcellarisation » aliénante selon Caillé ; « oppositions schizophréniques » entre le social et le culturel selon les dires d’une participante dans l’atelier N°2) est toujours menacé de limitation ou de de dévalorisation, bien qu’on proteste de son importance

- limitation car tout ne pourrait être mis en commun : une part de marché, voire de propriété subsisterait. Mais cela n’éliminerait pas leur subordination au principe du commun, si celui-ci consiste à la fois dans le processus et le résultat de « la mise en commun » !

- dévalorisation Comme Dardot dans son livre, nous avons dénoncé la présentation du commun sous les angles du « banal » ou du « simplement quotidien » (en opposition à l’élite). Le commun , ce pourrait être tout et tout concerner, sous réserve d’une pratique double d’appropriation commune et d’institution de l’inappropriable (L’atelier N°1, évoquant les propositions de S.Halimi sur l’extension de la gratuité et de la logique de service public nous proposant les applications les plus urgentes de cette orientation)

- enfin une discussion s’engage sur la référence à un certain humanisme intégrant le respect de la diversité, la préoccupation de la place de l’homme dans la nature ou encore le souci politique des générations futures.

Quelles sont les ressources, mais aussi les pièges que cela pourrait entraîner dans ce choix pour le commun ?.

- Monique Chemillier Gendreau voit dans cet humanisme « une référence symbolique, une référence qui permet de dire que nous sommes livrés les uns aux autres ». Elle le dit être un universel qui reste un lieu vide, toujours à remplir, s’il s’agit de l’humanité-altérité. Ce serait alors une ressource.

- Dardot s’en tient à l’ouverture, au dynamisme que permettent les luttes, pratiques et espérances collectives Il refuse toute transcendance et extériorité à l’agir commun.

Un participant formule ainsi les deux écueils que l’on rencontre :

- celui qui tiendrait au fait d’estimer qu’il suffit de se donner la procédure pour décider ensemble : l’institution risquerait alors de tourner à vide.

- celui qui consisterait à ne pas voir que la ou les valeurs ne peuvent se construire autrement qu’à partir du réel et de l’expérimentation de solidarités concrètes. C’est à approfondir !

Poursuite de la réflexion : proposition est faite de l’ordonner autour des axes suivants :

- la citoyenneté : qui est citoyen ; la signification des frontières en matière de citoyenneté. ( nb : ici E.Balibar peut beaucoup nous aider)

- l’éducation populaire n’est pas simple transmission

- le droit opposable à l’existence (définitions, garanties) ; le droit dans son rapport avec les combats de solidarité

- le processus constituant : où est sa différence ?