Le Café Politique

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  • Rubrique
  •   H61 La réforme des retraites.

    Invitée : Mireille Bruyère

    Enseignant chercheur en économie à L’université de Toulouse le Mirail, membre du conseil scientifique d’ATTAC.

    Lundi 3 Mai 2010

    20h45 Salle de réception du stade de Balma

    Dans une sorte de quitte ou double politique, le Président de la République a décidé de faire adopter rapidement par le parlement une nouvelle réforme des retraites. En s’appuyant sur les travaux du Conseil d’Orientation des Retraites, le gouvernement a déclaré la situation urgente et financièrement dramatique. Après avoir circonscrit la difficulté à un simple problème comptable, le ministre Eric Woerth a annoncé que les seules variables qui seraient prises en compte, pour retrouver l’équilibre financier, seraient l’âge légal de départ à la retraite et la durée de cotisation pour obtenir une pension complète. L’objectif affiché du gouvernement étant de conserver le montant des pensions et de laisser inchangé le niveau des cotisations. Sur ces bases les négociations avec les syndicats sont ouvertes.

    Cette analyse est loin d’être partagée par tous, les solutions envisagées vont de fait, pour beaucoup, abaisser le niveau des pensions. Augmenter la durée de cotisation nécessite une économie performante. Déjà la durée de cotisation moyenne est largement en dessous des 40 ans et l’arrêt effectif du travail précède en moyenne de plus de deux ans la liquidation de la pension. Ces mesures ne peuvent que pénaliser les femmes qui ont très souvent des carrières parsemées d’interruptions et les travailleurs qui ont eu des travaux pénibles les conduisant à arrêter plus tôt leur activité. La génération née en 1970 a commencé en moyenne à travailler à 22,5 ans, pour eux la retraite à taux plein n’est plus à 60 ans et beaucoup devront rester au travail au-delà de 65 ans pour avoir une pension acceptable. L’implicite de la réforme proposée semble donc être une retraite a minima pour tous et des régimes complémentaires privés pour ceux qui auront la chance de pouvoir économiser. Refuser d’augmenter les ressources, soit en élargissant l’assiette soit en augmentant les cotisations, revient donc à revoir à la baisse la solidarité nationale.

    La question des retraites est un choix de société important et ne peut être traitée simplement en augmentant le déficit public, déjà largement creusé par les décisions politiques prises pendant la crise. Pour autant ne pas chercher à faire émerger, par un grand débat de société, un fort consensus social, sur un sujet qui engage notre société sur l’horizon 2030/2050 est une erreur politique grave, qui traduit la nervosité d’un pouvoir affaibli. Le partage des richesses entre les générations, mais aussi entre les classes sociales est un enjeu politique majeur. On ne peut pas faire croire aux citoyens qu’il ne s’agit que d’un problème d’allongement de l’espérance de vie, du même ordre que les problèmes de baignoires et de robinets que l’on posait dans le temps au certificat de fin d’études primaires.

    François Saint Pierre