Le Café Politique

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   Gauche qui peut

mardi 24 janvier 2017, par Gilles Naudy

On voudrait nous faire croire que le prochain scrutin présidentiel se jouera au second tour entre la droite national-populiste et la droite libérale-conservatrice. D’une part, on peut admettre que dans le glissement du centre de gravité du paysage politique, ces 2 droites se sont rapproché, la seconde empiétant sur la première, chassée encore plus sur sa droite. C’est le résultat du mouvement général de l’échiquier politique et d’une primaire non représentative de la pensée de toute une population mais plutôt la formulation d’un rejet qui s’associe à des franges radicales toujours mobilisées. Que pèsent-elles aujourd’hui réellement dans les opinions, au delà des sondages précoces ?(2)

Quant aux gauches, avant d’en parler il faudrait d’abord redéfinir ce qu’est la gauche. Puisque nous vivons malheureusement dans un monde où les sujets économiques l’emportent sur les sujets sociétaux, ou sur les sujets tout court, on pourrait qualifier le candidat des banquiers comme de gauche sur les aspects des libertés individuelles mais très à droite sur les libertés d’entreprendre. A gauche sociétalement mais à droite toute sur l’économie.

Il nous reste donc la gauche qui semble se détacher des primaires du PS et celle radicale de Mélenchon. Peut-on espérer les réconcilier ?

Sans en arriver à un consensus mou, à un programme plat expurgé des points de désaccord, on peut rêver d’une plateforme commune. Pour cela, encore faudrait-il que chacun ait une marge de manœuvre pour bouger vers l’autre.

Notre ère étant compliquée, il faut différencier les marges sur un programme, sur les objectifs, permises par les différentes lectures que l’on peut avoir des idéaux de gauche, des marges de manœuvre, au premier sens du terme. Comment manœuvrer pour appliquer son programme ? D’une part le but à atteindre, d’autre part le mode opératoire pour y arriver ou se donner toutes les chances de parvenir au but.

Je m’explique. Aujourd’hui, nous sommes enfermés dans le carcan des traités européens. Europe qui valide nos budgets nationaux !

Faisons fi du procès fait à Hamon sur sa conversion écologique de dernière heure, converti par ses filles de 8 et 11 ans, et faisons mine de croire en sa totale sincérité lorsque, reprenant un vocabulaire qui m’est familier, il parle de transition et même de "planification écologique".

Pour cela, il faudrait que l’Etat investisse comme il le fit il y a 40 dans le nucléaire. Aujourd’hui tout investissement massif dans une transition écologique est bien trop long à rentabiliser pour le secteur privé, qui vivent dans un espace temps de quelques années. La conséquence de vivre à crédit.

Seul un investissement sur un temps long permettrait de mener cette transition énergétique d’une manière acceptable pour la planète, maîtrisée et réfléchie, sans créer un Eldorado saccageur affûtant les appétits des fonds d’investissements privés.

Ce virage à négocier entraînera de fait un endettement du pays avant une rentabilité lointaine qui ne devrait pas se retrouver que dans le prix du Kw mais aussi dans le coût des dépenses de santé. On peut même aller jusqu’à se demander si une dépense d’Etat, un investissement, doit forcément être rentable économiquement parlant. Notamment lorsque son seul but est de diminuer un risque de catastrophe. Tout ne se mesure pas en k€ ou M€.

Cet investissement, que je préfère à endettement, ne peut être autorisé dans le cadre du respect des traités européens. Comme dit très clairement par Hamon sur France Inter ce lundi matin, le différent le plus important avec Mélenchon réside dans la renégociation/sortie, ou pas, des traités européens. Voilà bien le nœud du problème, le nœud de sincérité, le point de rupture annihilant tout espoir de fusion des candidatures (1).

Le point dur n’est pas la fusion des programmes, on pourrait dire que c’est déjà fait tellement ils sont proches si l’on écarte de la manière qu’il mérite le mirage improvisé du revenu universel, tarte à la crème du libéralisme. Mais ceci est un autre sujet.

Les programmes de Hamon et de Mélenchon, en tant qu’objectifs, sont miscibles entre eux, compatibles. Néanmoins, comme un barrage entre eux deux, seule la manière de les faire appliquer est un point de divergence et non des moindres puisqu’il amène à la question fondamentale de la crédibilité.

(1) : Les termes "projet commun", "plateforme commune" sont utilisées par abus de langage, leur signification dans une cinquième république à la veille du scrutin majeur est bien la fusion des candidats en une seule candidature, augmentant les chances de gagner l’élection suprême. D’ailleurs, ceux qui en parlent ne sont pas toujours les connaisseurs des programmes, mais ceux qui bêtement veulent rassembler sous la simple étiquette "de gauche" rapidement collée et visiblement indécollable. Quand Benhamias veut rassembler de NKM jusqu’à Mélenchon, ça prête à rire, mais qu’ont-ils en commun ?

(2) : il faut noter aussi que les candidatures hors parti, celle de Macron, celle de Mélenchon, agitent des débats citoyens, voire des citoyens eux-mêmes qui se tenaient depuis longtemps loin de la politique. La multiplication des moyens média, comme Internet via les réseaux sociaux ou les vidéos sur Youtube touchent des catégories de futurs votants qui ne rentrent pas jusqu’alors dans les panels supposés représentatifs des sondeurs. Ces derniers sont dépassés par la mouvance des opinions induite par ces nouveaux modes de propagande, il leur faudra du temps pour recréer leurs échantillons représentatifs. Si l’on veut bien leur prêter cette volonté, admettant que le but du sondage est bien de mesurer l’opinion et non de la créer. Quand on regarde les actionnaires/propriétaires des instituts de sondage, on peut en douter.